
Ce quatrième recueil invite à faire du ventre et des os la table du festin, et du corps la demeure du souffle : l’être alors s’enracine dans une énergie qui le dresse. La terre est aspirée par le ciel.
Les poèmes ancrent l’assise dans cette terre où tous les linéaments du monde se rejoignent. Pas de rupture entre les corps et les paysages, entre les racines et les nerfs – les fibres s’interpénètrent et nous respirent : le monde est un vaste réseau d’une seule étoffe, et la méditation nous drape dans ses plis et ses replis, invite à nous fondre à sa caresse, à trouver sous le masque de nos grimaces l’esquisse d’un sourire.
Les collages, gouaches, graphites, encres et craies… de Pierre Alain Mauron voisinent avec les poèmes, accompagnent leurs parcours au coeur de la matière.

Conscience de la chair fragile
De tous ces miracles à répétition
Qui animent les moindres recoins
D’une matière merveilleuse
Qu’on appelle un corps
Vitrail opaque aux yeux translucide à l’œil
C’est à l’intérieur que tout se passe
Dans tout ce chaos de montagnes qui se dressent
D’herbes sèches et de fleurs fanées qui renaissent
Sol rocailleux et austère
À amender avec patience au bon moment
À aérer en douceur pour l’ouvrir au ciel
Dans le corps somnole une terre nourricière
Où trouver les rudiments d’un éveil modeste
Pourvu qu’on la bêche et qu’on y sème
Une terre d’accueil si l’on veut bien y vivre
Un havre de paix où plonger ses racines
Peut-être une abondance à portée de la main
Chaque jour s’ouvrir aux vénérables
À la voie de la force
Qui grimpe en nous et nous élève
Se laisser triturer par le balancement
Des branchages (la lumière miroite)
Et dans son cœur par le chant des oiseaux
Juste faire confiance aux arbres
Et laisser pousser leur prière
Plantée dans nos âmes
