
Ce deuxième recueil tisse une métaphore à prendre au pied de la lettre. Ce bois offert par la mer invite à la vacuité (on pourrait tout aussi bien dire à la plénitude).
D’une certaine manière, il se fait l’écho d’une phrase clé du Soûtra du Coeur : Les formes ne sont pas différentes de leur vacuité, et la vacuité n’est pas différente des formes.
Doit-on en conclure que la vacuité pour elle-même n’est qu’une illusion ? Dans le monde de la vacuité, il n’y a rien ni personne, pas de mots ni d’absence de mots nous rappelle Ama Samy : comme si la véritable vacuité ne pouvait que s’incarner, (et pour le vrai maître se réaliser dans la compassion).
Peut-être faut-il alors tomber dans le vide (et toucher le fond du dénuement) pour sentir ce qui nous anime (sur un fond d’infini).
En découvrant le travail de Marion, j’ai aussitôt pensé qu’elle ferait une bonne compagne de voyage. Six séries d’encres rythment les poèmes.

Envol immédiat qui efface tout
Embarquement sans passeport
Hors de cela qui se fait passer pour monde
Au creux des paumes apaisées
Le billet du voyage
Un cœur cosmique qui tambourine sans bruit
Le silence écoute les chahuts de l’espace
L’esprit élargi déployant ses feuillages
Voit le tout petit se fondre à l’immense
Pour accroître le corps
Chercher d’abord le tout petit
Libérer par exemple le trou de chaque dent
Quelque chose échappe et respire
Dénoue chaque nœud
Dans le repli serré des gencives
Saluer la salive – prendre le temps
De faire flotter chaque dent
Dans l’eau d’un sourire
L’esprit libre
Privés de mots pour se dire
Devine la grande complicité
La conscience dans son effusion
A perdu ses tutelles
Elle s’ouvre à la lumière
Pas de forme pas de couleur
Une matière sans substance
Que l’œil brasse en douceur
